Prise en compte des femmes dans l'évaluation des risques professionnels en entreprise
Alors que la moitié des « travailleurs » sont désormais des « travailleuses », la santé au travail des femmes semble être un enjeu majeur de santé publique et également un projet que de nombreuses entreprises devront fortement considérer dans les années à venir.
Il est impossible pour les entreprises de proposer une véritable politique d'évaluation des risques professionnels sans prendre en compte les travailleuses et les risques professionnels spécifiques qui leur sont associés.
Chez Lola Health, nous vous expliquons pourquoi il est important pour les entreprises d'évaluer les deux genres différemment afin de mettre en place une démarche de prévention adaptée à l'ensemble de leurs collaborateurs👇🏼
1) Femmes et hommes : une différence dans les risques professionnels
Importance de la santé au travail des femmes
“Les risques psychosociaux sont deux fois plus fréquents chez les femmes que chez les hommes.”
Quand la question du genre est abordée en entreprise, celle-ci est souvent tournée sous le spectre des démarches d’égalité salariale. Alors que la moitié des « travailleurs » sont désormais des « travailleuses », la santé au travail des femmes semble être un enjeu majeur de santé publique et également un projet que de nombreuses entreprises devront fortement considérer dans les années à venir.
Depuis la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes (2014) et la loi de modernisation du système de santé (2015), il est obligatoire pour l’employeur de prendre en compte l’impact différencié du travail dans l’évaluation des risques professionnels. Dans ces études, l'unité de travail est considérée comme homogène. Or, ce n'est en réalité pas le cas, car les différences biologiques doivent être prises en compte. Historiquement, les problèmes majeurs de santé au travail ont davantage touchés les femmes (amiante, silicose, pneumoconiose, etc.).
La santé au travail des femmes revêt une importance capitale en matière de prévention des risques professionnels, de pénibilité et de santé et sécurité au travail. Il est essentiel de mettre en place des mesures de prévention adaptées pour prévenir les risques liés à leur poste de travail. La démarche de prévention doit prendre en compte les spécificités propres aux femmes, telles que les risques psychosociaux, les troubles physiques et mentaux, et les risques professionnels liés à leur activité. L'évaluation des risques, la formation à la prévention et l'amélioration des conditions de travail doivent être des axes prioritaires pour garantir la sécurité et la santé des travailleurs. Le dialogue social et la participation des représentants du personnel sont également essentiels pour identifier et prévenir les risques professionnels. En mettant en œuvre une démarche de prévention des risques professionnels adaptée aux femmes, il est possible de préserver leur santé, d'éviter les risques liés à leur activité et de favoriser une meilleure qualité de vie au travail.
Comme l'a rappelé l'Agence européenne pour la santé et la sécurité au travail, la situation reste préoccupante, car peu de personnes ont étudié les particularités des risques pour les femmes. De son côté, le ministère du Travail insiste sur les questions salariales (qui sont importantes), mais ne dit rien sur les risques sanitaires spécifiques aux femmes.
Obligation légale d'évaluer les risques professionnels différemment selon le genre
L’évaluation des risques professionnels doit être réalisée séparément selon le genre afin d’assurer la prévention des risques, la pénibilité et la santé et sécurité au travail pour chacun des salariés. La prévention des risques professionnels doit prendre en compte les spécificités propres à chaque genre, telles que les risques liés à la santé physique et mentale, les risques psychosociaux, le harcèlement, ou encore les conditions de travail. Cette démarche de prévention nécessite, entre-autres l'évaluation et la prévention des risques, l'amélioration des conditions de travail et l'ergonomie des postes de travail.
2) Les risques professionnels chez les femmes
Sous-évaluation de l'exposition aux risques professionnels
La sous-évaluation de l'exposition des femmes aux risques professionnels est un problème majeur dans le domaine de la santé et sécurité au travail. Malgré les efforts déployés pour améliorer les conditions de travail et prévenir les risques, il existe encore des lacunes dans l'évaluation et la prise en compte de ces risques.
Les mesures de prévention, telles que l'évaluation des risques, l'amélioration des conditions de travail et l'ergonomie des postes, sont essentielles pour garantir la santé et la sécurité des travailleurs. Cependant, ces mesures ne sont pas toujours suffisamment mises en place, en raison d'une sous-évaluation des risques liés à chaque poste de travail.
De plus, la prévention des risques professionnels doit également prendre en compte les risques psychosociaux, tels que le harcèlement moral, ainsi que les risques liés à la santé physique et mentale des travailleurs. Pour améliorer cette situation, il est important de travailler sur la sensibilisation à la prévention, de former les salariés et les responsables à l'évaluation et à la prévention des risques, et de favoriser le dialogue social entre les différentes parties prenantes.
Ensemble, ces mesures contribueront à améliorer la qualité de vie au travail, à prévenir les accidents du travail et à préserver la santé des salariés.
Augmentation des accidents du travail chez les femmes
L'augmentation des accidents du travail chez les femmes peut être attribuée à plusieurs facteurs liés à la prévention des risques professionnels, à la pénibilité, à la santé et à la sécurité au travail. La prévention des risques professionnels doit prendre en compte les risques liés à chaque poste de travail, évaluer les risques, mettre en place des mesures de prévention adaptées, et améliorer les conditions de travail.
Il est également essentiel de travailler sur la prévention des risques psychosociaux, tels que le harcèlement moral, ainsi que sur la santé physique et mentale des travailleurs. La démarche de prévention, incluant l'évaluation des risques et l'amélioration des conditions de travail, doit être mise en place en collaboration avec les représentants du personnel et favoriser le dialogue social.
En mettant en œuvre une démarche de prévention des risques professionnels adaptée à chaque genre, il est possible d'améliorer la qualité de vie au travail, de prévenir les accidents du travail, et de préserver la santé des salariés.
Progression différenciée des maladies professionnelles selon le sexe
La progression des maladies professionnelles est un sujet préoccupant, et les différences selon le sexe sont importantes à analyser pour une meilleure prévention.
En effet, les femmes sont de plus en plus touchées par les maladies professionnelles, avec une augmentation de 158,7% entre 2001 et 2019, contre 73,6% pour les hommes. Cette différence s'explique par plusieurs facteurs, notamment les différences d'exposition aux risques. Les femmes occupent souvent des postes de travail plus exposés aux risques musculo-squelettiques (TMS), aux produits chimiques et aux risques psychosociaux (RPS).
De plus, la précarité joue un rôle important, car les femmes sont plus souvent en situation de précarité et de CDD, ce qui les rend plus vulnérables aux risques professionnels. Enfin, la sous-déclaration est un problème à prendre en compte, car les femmes ont tendance à moins déclarer leurs maladies professionnelles que les hommes.
Pour lutter contre cette progression, il est nécessaire de mettre en place des mesures de prévention spécifiques aux femmes, en tenant compte des différences d'exposition aux risques et des caractéristiques des postes de travail occupés.
Voici quelques exemples d'actions à mener :
- Intégrer la dimension du genre dans l'évaluation des risques professionnels pour identifier les situations à risque pour les femmes.
- Adapter les postes de travail pour réduire les TMS et les RPS.
- Former les femmes aux risques professionnels et aux moyens de s'en protéger.
- Sensibiliser les employeurs et les salariés aux enjeux de la santé au travail des femmes.
3) Comprendre les inégalités de santé entre les femmes et les hommes
L'exemple des troubles musculo-squelettiques (TMS)
Les inégalités de santé entre les femmes et les hommes sont une réalité préoccupante, et les troubles musculo-squelettiques (TMS) en sont un exemple frappant.
Des facteurs multiples contribuent à ces inégalités. Les femmes occupent souvent des postes de travail plus exposés aux TMS, comme le travail à la chaîne, le ménage ou la manutention. Elles sont également plus souvent victimes de harcèlement moral et sexuel au travail, ce qui peut contribuer à l'apparition de TMS.
La prévention des TMS est essentielle pour réduire ces inégalités. Il est nécessaire de mettre en place des mesures de prévention spécifiques aux femmes, en tenant compte des caractéristiques des postes de travail qu'elles occupent.
Il est aussi nécessaire de mettre en place des mesures de prévention adaptées aux femmes. Cela passe par l'évaluation des risques professionnels en tenant compte du genre, l'amélioration des conditions de travail pour réduire les TMS, les RPS et les risques chimiques, la formation des femmes aux risques professionnels et aux moyens de s'en protéger, et la sensibilisation des employeurs et des salariés aux enjeux de la santé au travail des femmes.
Plusieurs actions peuvent être menées :
- Evaluer les risques professionnels en tenant compte du genre.
- Adapter les postes de travail pour réduire les TMS.
- Former les femmes aux risques professionnels et aux moyens de s'en protéger.
- Sensibiliser les employeurs et les salariés aux enjeux de la santé au travail des femmes.
- Impact des conditions de travail sur les différences de santé entre les sexes
- Étude de l'Aract Basse-Normandie sur les TMS chez les femmes
L'Aract Basse-Normandie est une association à but non lucratif qui a pour mission d'accompagner les entreprises et les salariés dans l'amélioration des conditions de travail et de la santé au travail. Elle intervient dans les domaines de la prévention des risques professionnels, de l'ergonomie, de l'aménagement des postes de travail, du stress au travail, des RPS, etc.
En 2019, cette association a lancé une étude sur les TMS chez les femmes afin de dresser un état des lieux des TMS chez les femmes en Basse-Normandie et d'identifier les facteurs de risque spécifiques aux femmes.
L'étude a révélé que les femmes sont plus exposées aux TMS que les hommes. Cela s'explique par plusieurs facteurs, notamment :
- Les femmes occupent souvent des postes de travail plus exposés aux TMS,comme le travail à la chaîne, le ménage ou la manutention.
- Les femmes sont plus souvent victimes de harcèlement moral et sexuel au travail, ce qui peut contribuer à l'apparition de TMS.
Le point de départ du modèle de compréhension des inégalités de santé entre les femmes et les hommes a été l’intervention de l’Aract Basse-Normandie dans une imprimerie. L’entreprise, malgré des investissements sur ses machines, cherchait à comprendre pourquoi les femmes contractent davantage de TMS que les hommes et, donc, étaient plus souvent absentes. L’intervenant en conditions de travail a démontré que, tout en étant dans le même atelier, ouvriers et ouvrières ne réalisaient pas les mêmes tâches. Les femmes effectuaient des gestes répétitifs et avaient une posture inadaptée, ce qui augmentait les risques de TMS.
On constate que 62% des maladies professionnelles chez les femmes concernent trois branches d’activité : les services de commerces et de l’alimentation, les activités de service (travail temporaire, action social, nettoyage, santé) et les industries de métallurgie. C’est pourquoi dans les emplois à forte dominance féminine, il est nécessaire de recevoir plus d’attention : métiers du soin, coiffeuses et travailleuses dans les ongleries, entretien ménager, blanchisseuses, centres d’appel, etc. Ces emplois sont souvent dans des TPE et ils sont négligés en termes de risque.
Pour mieux tenir compte des impacts du genre sur la santé, le réseau Anact-Aract a construit un modèle d’analyse des écarts de santé au travail entre les hommes et les femmes en tenant compte de quatre facteurs :
- L’organisation du travail et la mixité : Ceci tient compte de la répartition sexuée des emplois, c’est-à-dire que les hommes et les femmes n’exercent pas les mêmes métiers et même s’ils exercent une profession commune, ils ne sont pas sur les mêmes postes.
- Le travail : Les femmes et les hommes sont exposés à des facteurs de risques et de pénibilités distincts. On peut observer cela notamment dans les emplois à prédominance féminine, avec des effets différenciés en termes de santé.
- Les parcours professionnels : les parcours professionnels entre les hommes et les femmes sont distincts. On observe notamment des parcours plus hachés pour les femmes (arrivée plus tardive sur le marché du travail, interruption de grossesse etc…).
- Le temps de travail : il existe une différence entre les hommes et les femmes sur leur temps de travail.
L'étude a également mis en évidence plusieurs facteurs de risque pour les TMS chez les femmes, tels que :
- Le port de charges lourdes
- Les gestes répétitifs
- Les postures contraignantes
- Le stress
Pour prévenir les TMS chez les femmes, l'Aract Basse-Normandie recommande de mettre en place des mesures de prévention spécifiques, telles que :
- L'adaptation des postes de travail
- La formation des femmes aux risques professionnels
- La sensibilisation des employeurs et des salariés aux enjeux de la santé au travail des femmes
Les politiques de santé et de sécurité au travail gagnent à mobiliser cette prise en considération du genre pour progresser dans la prévention de la santé et la promotion de la santé pour toutes et pour tous. Afin de mettre en œuvre un plan d’action efficace, il faut faire appel à la pluridisciplinarité et combiner les approches médicales, techniques, réglementaires et organisationnelles avec tous les acteurs de la prévention. Il existe différentes ressources mobilisables pour une bonne réalisation de la prévention comme par exemple :
- Les services de santé au travail – notamment les médecins du travail et ergonomes
- L’ARACT (Association régionale pour l’amélioration des conditions de travail)
- La CARSAT (Caisse d'Assurance Retraite et de la Santé au Travail)
- La MSA (Sécurité Sociale Agricole)
- L’inspection du travail
- Les syndicats de salariés
- Les organisations patronales
- Ou encore, les aides financières
Tenir compte des particularités du travail au féminin notamment en matière de santé est indispensable pour déployer des actions de prévention efficaces et bénéfiques pour tous à l’échelle de l’entreprise et de la société. Il serait alors possible de discuter une adaptation des conditions et des horaires de travail.