Prise en compte des femmes dans l'évaluation des risques professionnels en entreprise

Prise en compte des femmes dans l'évaluation des risques professionnels en entreprise
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“​​Les risques psychosociaux sont deux fois plus fréquents chez les femmes que chez les hommes.”

Quand la question du genre est abordée en entreprise, celle-ci est souvent tournée sous le spectre des démarches d’égalité salariale. Alors que la moitié des « travailleurs » sont désormais des « travailleuses », la santé au travail des femmes semble être un enjeu majeur de santé publique et également un projet que de nombreuses entreprises devront fortement considérer dans les années à venir.

Depuis la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes (2014) et la loi de modernisation du système de santé (2015),  il est obligatoire pour l’employeur de prendre en compte l’impact différencié du travail dans l’évaluation des risques professionnels. Dans ces études, l'unité de travail est considérée comme homogène. Or, ce n'est en réalité pas le cas, car les différences biologiques doivent être prises en compte. Historiquement, les problèmes majeurs de santé au travail ont davantage touchés les femmes (amiante, silicose, pneumoconiose, etc.).

Comme l'a rappelé l'Agence européenne pour la santé et la sécurité au travail, la situation reste préoccupante, car peu de personnes ont étudié les particularités des risques pour les femmes. De son côté, le ministère du Travail insiste sur les questions salariales (qui sont importantes), mais ne dit rien sur les risques sanitaires spécifiques aux femmes.

Le réseau Anact-Aract (Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail), qui intervient avec un réseau de 26 associations régionales d’amélioration des conditions de travail, sous l’impulsion du service des Droits des femmes et de l’Égalité entre les femmes et les hommes de la DGCS (Direction générale de la cohésion sociale), a décidé de mener des études visant à démontrer l’intérêt de la prise en compte du sexe et du genre dans l’amélioration des conditions de travail. En effet, les statistiques publiées par l’Anact à partir des données fournies par la CNAMTS (Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés), sur une base de 18 millions de salariés, montrent que même si en 2016 les accidents du travail déclarés et reconnus concernent près de deux fois plus les hommes (64% des accidents) que les femmes (36%), les accidents du travail chez les femmes ont progressé de 30,5% entre 2001 et 2016. Cette augmentation concerne tous les secteurs sauf 3 branches d’activité (métallurgie, chimie et plasturgies et bois) qui connaissent une forte baisse des effectifs féminins depuis 2001. L'Anact fait l'hypothèse que l'exposition aux risques professionnels des femmes reste sous-évaluée.

Les maladies professionnelles sont en forte hausse (avec une augmentation de 101,3% entre 2001 et 2016) et concernent autant les hommes (51%) que les femmes (49%) en 2016. Elles sont marquées par une progression différenciée selon le sexe. Ainsi, pour les femmes, la progression est de 145,2% alors qu'elle est de 71,5% pour les hommes. La première cause de maladie professionnelle sont les troubles musculo-squelettiques (TMS). Le taux de fréquence est bien supérieur chez les femmes (2) que chez les hommes (1,2).

Figure 1 : Évolution du nombre de maladies professionnelles en France de 2001 à 2016  (Source : ANACT, 2018)

Le point de départ du modèle de compréhension des inégalités de santé entre les femmes et les hommes a été l’intervention de l’Aract Basse-Normandie dans une imprimerie. L’entreprise, malgré des investissements sur ses machines, cherchait à comprendre pourquoi les femmes contractent davantage de TMS que les hommes et, donc, étaient plus souvent absentes. L’intervenant en conditions de travail a démontré que, tout en étant dans le même atelier, ouvriers et ouvrières ne réalisaient pas les mêmes tâches. Les femmes avaient accès à quatre types de poste différents, les hommes à neuf. Les 4 postes où elles étaient affectées étaient particulièrement contraignants avec des ports de charges et des gestes répétitifs exposant ainsi le plus les femmes aux TMS.

On constate que 62% des maladies professionnelles chez les femmes concernent trois branches d’activité : les services de commerces et de l’alimentation, les activités de service (travail temporaire, action social, nettoyage, santé) et les industries de métallurgie. C’est pourquoi dans les emplois à forte dominance féminine, il est nécessaire de recevoir plus d’attention : métiers du soin, coiffeuses et travailleuses dans les ongleries, entretien ménager, blanchisseuses, centres d’appel, etc. Ces emplois sont souvent dans des TPE et ils sont négligés en termes de risque.

Pour mieux tenir compte des impacts du genre sur la santé, le réseau Anact-Aract a construit un modèle d’analyse des écarts de santé au travail entre les hommes et les femmes en tenant compte de quatre facteurs :

  • L’organisation du travail et la mixité : Ceci tient compte de la répartition sexuée des emplois, c’est-à-dire que les hommes et les femmes n’exercent pas les mêmes métiers et même s’ils exercent une profession commune, ils ne sont pas sur les mêmes postes.
  • Le travail :  Les femmes et les hommes sont exposés à des facteurs de risques et de pénibilités distincts. On peut observer cela notamment dans les emplois à prédominance féminine, avec des effets différenciés en termes de santé.
  • Les parcours professionnels : les parcours professionnels entre les hommes et les femmes sont distincts. On observe notamment des parcours plus hachés pour les femmes (arrivée plus tardive sur le marché du travail, interruption de grossesse etc…).
  • Le temps de travail : il existe une différence entre les hommes et les femmes sur leurs temps de travail.

Les politiques de santé et de sécurité au travail gagnent à mobiliser cette prise en considération du genre pour progresser dans la prévention de la santé et la promotion de la santé pour toutes et pour tous. Afin de mettre en œuvre un plan d’action efficace, il faut faire appel à la pluridisciplinarité et combiner les approches médicales, techniques, réglementaires et organisationnelles avec tous les acteurs de la prévention. Il existe différentes ressources mobilisables pour une bonne réalisation de la prévention comme par exemple :

  • Les services de santé au travail – notamment les médecins du travail et ergonomes
  • L’ARACT (Association régionale pour l’amélioration des conditions de travail)
  • La CARSAT (Caisse d'Assurance Retraite et de la Santé au Travail)
  • La MSA (Sécurité Sociale Agricole)
  • L’inspection du travail
  • Les syndicats de salariés
  • Les organisations patronales
  • Ou encore, les aides financières

Tenir compte des particularités du travail au féminin notamment en matière de santé est indispensable pour déployer des actions de prévention efficaces et bénéfiques pour tous à l’échelle de l’entreprise et de la société. Il serait alors possible de discuter une adaptation des conditions et des horaires de travail.

Afin de réduire les risques de santé, Lola Health modernise l'assurance santé en tenant compte dans ces offres des spécificités biologiques des femmes afin de proposer des couvertures plus justes et égalitaires pour tous.